Europe et Post-Démocratie ?
A la suite des élections législatives en Italie le 26 février 2013, qui ont vu le succès énorme de Beppe Grillo et la résurgence de l'increvable Berlusconi, la réaction des autorités européennes à Bruxelles a été de dire en substance : "circulez, il n'y a rien à voir, quelque soit le résultat du vote, on ne va rien changer".
Cela vaut la peine de citer les propos de M.Barroso, Président de la Commission européenne au lendemain du vote italien : " Doit-on déterminer notre politique économique en fonction de considérations électorales? Non!" Les peuples peuvent voter ce que bon leur semble, la caravane européenne passe sans s'en préoccuper. La caravane libérale, en l'occurence, partisane de la cure de cheval de l'austérité, saupoudrée d'un soupçon de relance de croissance pour faire joli.
Il faut écouter Hubert Védrine ( ancien ministre des Affaires étrangères) dans sa chronique sur France Culture du vendredi 1er mars.
Védrine s'insurge à la fois contre ce reniement méprisant de la démocratie et contre la terrible surdité des décideurs politiques, qui traitent la colère et l'angoisse des peuples comme quantité négligeable.
Le maître-mot pour disqualifier le vote du peuple est "populisme". Suivre Berlusconi et suivre Beppe Grillo, c'est suivre deux populistes, deux types qui rasent gratis, l'un la joue droite et l'autre la joue gauche. C'est un vote stupide, disent les élites aux commandes. Sous-entendu : lorsqu'un vote est stupide, on ne va tout de même pas en tenir compte.
Mais qui définit ce qu'est un vote stupide ? Le populiste est toujours l'Autre, jamais soi-même, dit Védrine. On ne peut pas continuer à faire fonctionner et surtout à maintenir en légitimité un système qui s'autorise de tels vacuums conceptuels, de tels tours de passe-passe. Védrine parle du risque effrayant de passer à un régime qu'il appelle POST-DEMOCRATIQUE.
Pour ma part, j'ai envie d'ajouter ceci : Vider la coquille démocratique de sa chair vivante pour n'en garder que la forme extérieure flatteuse, la mise en scène du bulletin déposé dans l'urne, est un exercice qui peut sembler commode aux décideurs politiques. C'est d'une courte vue horrifiante. Car, la méfiance, le desespoir et finalement le rejet du peuple envers le modèle politique démocratique s'en trouvent justifiés et les mots d'ordre haineux et caricaturaux confortés. C'est extrêmement grave, car nous n'avons pas d'autre modèle à portée de main que la pensée démocratique. A moins de préférer les modèles dictatoriaux, violents, archaïques. Le refus de traduire dans les faits les messages sortis des urnes, attise le populisme et à terme détruit l'ensemble du système.
Refuser d'entendre ce qui monte de la population européenne, voilà une forme de bêtise lourde de conséquences.
S'obstiner à tuer le patient pour - soi-disant - mieux le sauver n'est drôle que chez Molière.
Pour écouter Védrine :