POUVOIR ET PUISSANCE (rien que ça ?)

"Vois-tu, cet Etat est devenu comme une coquille vide, il y a encore tout le pouvoir mais il n'y a plus la puissance". Ce sont les paroles d'un personnage du film époustouflant de Pierre Schoeller  " L'exercice de l'Etat ".

Dans ma tête cela a fait tilt car il me semble que nous n'arrêtons plus d'être témoin de la disparition de la puissance des Etats dits occidentaux ( l'Europe et les Etats-Unis ), en tous cas au niveau international. Pourtant ils disposent toujours du pouvoir et de la force, une force qui reste immense. Alors quoi, des Etats forts mais impuissants ?

Ok, c'est un sujet bien trop vaste pour mon petit blog. Tant pis.

Prenons la Libye, bon exemple et qui sort du four, si j'ose dire. Tant de pouvoir, n'est-ce pas, pour lancer l'opération militaire anti-Khadafi : former l'alliance au niveau des Chefs d'Etats, faire voter le Conseil de Sécurité, mobiliser l'OTAN... on est au coeur d'un processus qui convoque, et rapidos, les plus grands ressorts de pouvoir disponibles à l'heure actuelle sur la scène internationale (je n'aime pas parler de communauté internationale car en vérité bonnes gens, il n'y a pas plus de "communauté internationale" que de cheveu sur la tête à Mathieu). Et puis, l'opération elle-même, strictement aérienne comme il se doit, même si l'on a déployé au sol assez  d'éléments "spéciaux" (et discrets) pour faire lien avec les combattants du CNT (Conseil National de Transition) et, au passage, les armer et les guider... Bref, si ce n'est pas une combinaison pouvoir-force de haut vol, dites-le moi.

Voilà donc Mouammar éliminé, ouf, l'enlisement qui guettait cette démonstration virile des charmes irrésistibles de la démocratie a été évité. Le soulagement est si grand que l'on est prié de ne pas pinailler. Et pourtant....Il ne vous aura pas échappé que cette vertueuse coalition aura radicalement outrepassé le mandat que l'ONU lui avait accordé, à savoir la seule protection des populations civiles. La population de Syrte, ou plutôt ses survivants, assis sur leurs ruines fumantes, apprécieront. Les massacres commis par les rebelles ? Bavures regrettables mais dans le feu de l'action, voyez-vous... Ce qu'il y a de sûr c'est que l'opération internationale libyenne nous a mis sous les yeux l'arrogance de ce pouvoir qui utilise sa force de frappe afin de remodeler le sort de certains peuples (pas de tous, les syriens n'ont pas - encore - droit à ce traitement de faveur), en se drapant de la légitimité internationale, prestement détournée.

Vous noterez au passage que nos dirigeants se calent désormais sur les américains pour pratiquer l'assassinat politique, en l'occurence par lynchage interposé. Le Canard enchaîné de mercredi 26.10 contait en détail l'accord entre les responsables militaires français et américains pour que Khadafi ne sorte pas vivant de l'opération et ne puisse donc pas se mettre à bavarder devant une Cour pénale - une vraie pipelette cet homme-là - de choses qui ne regardent pas les honnêtes gens. Mais je digresse.

Et alors, la puissance occidentale dans cette affaire libyenne, n'est-elle pas triomphante ?

Il y a quelques jours, les supporters ravis qui fêtaient la révolution libyenne et le triomphe de la démocratie devant la télé en sont restés bouche bée : La loi sur le divorce et le mariage, qui interdisait la polygamie et autorisait le divorce sous le régime de Mouammar Kadhafi, a été abolie. "Cette loi est contraire à la charia et elle n'est plus en vigueur", a annoncé officiellement Mustapha Abdel Jalil, Président du Conseil National de Transition.

Quelqu'un peut-il m'expliquer comment c'est seulement possible que ce nouveau pouvoir, qui sait pertinemment qu'il doit sa victoire à l'intervention militaire des occidentaux, peut se permettre d'adopter avec éclat une mesure qui heurte de plein fouet une des exigences les plus élémentaires des droits de l'homme - en l'occurence des femmes - et bafoue le discours justifiant l'élimination du tyran, donnant l'impression que nos fiers dirigeants vainqueurs ont les pantalons autour des chevilles ?

Il faut bien le constater, la force déployée par l'Occident pédale de plus en plus dans le vide et les objectifs recherchés et proclamés se trouvent retournés comme des chaussettes. En Irak les américains ont boosté radicalement le pouvoir chiite et le rôle de Téhéran, le pays est fracturé de partout , pas vraiment ce qu'ils voulaient... en Afghanistan, la coalition quitte le pays les oreilles basses et les talibans pètent le feu, cela s'appelle une défaite. En Palestine rien ne change, Israel ne bouge pas d'un iota sur le fond.

La perte de la puissance serait donc ceci :  déployer les plus gros moyens qui existent au monde et obtenir à peu près le contraire de ce qu'on voulait.

Il faudrait donc réfléchir à ce qui constitue la puissance, quelque chose qui s'enracine plus profondément dans l'histoire et dans les mouvements tectonique des peuples ?

Peut-être faudrait-t-il méditer sur la vanité de s'obstiner à croire que le monde entier regarde l'Occident et son fameux "modèle" avec les yeux de Chimène alors que tant de peuples ont subi longtemps et sous des formes diverses notre suprématie, voire notre domination. Le fait que des cohortes de pauvres tentent de rejoindre nos terres pour y gagner leur pain ne contredit aucunement la méfiance et le rejet pour les entreprises politiques des dominants que nous avons été et sommes encore. Cette prise de distance est rendue possible par l'émergence des autres puissances comme contre-poids, la Chine en tête bien sûr et par les sirènes d'un Islam désiré comme source d'une identité propre retrouvée.

Enfin j'exagère sûrement. L'invincible BHL, "l'homme qui murmure à l'oreille des Présidents", s'est déclaré confiant pour l'avenir de la démocratie en Libye. Il a raison, du fond de leur futur harem les femmes se réjouiront d'aller voter.

 

( octobre 2011 )

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