Un drôle d'évènement
L'autre jour j'ai vu quelque chose de vraiment bizarre. J'étais allée au village pour vendre des poissons, parfois la pêche est bonne dans notre petite rivière. Ce n'est pas loin, je marche jusque chez maman Pauline, je dors dans un coin de la case et le lendemain j'arrive au village dans l'après-midi, les poissons sont encore frais.
Alors là, qu'est-ce que je vois ? Au Café de papa Casimir, ils avaient sorti la télé sur la terrasse et, sans mentir, c'est tout le village qui était assis là-devant, alors je me suis faufilée aussi, je prends pas beaucoup de place. Alors là, j'ai regardé aussi.
Sur l'écran on voyait des gens dans une maison plus grande que tout ce qu'on peut imaginer, mais tout à l'envers. Chez nous, on n'aurait pas idée de mettre le toit tout en haut du ciel. Là-bas, on aurait pu dresser au moins dix grandes échelles les unes sur les autres, ça n'aurait pas suffi pour toucher le plafond. On aurait dit la maison du Seigneur pour les oiseaux mais sans les oiseaux. Vous verrez que j'ai mes raisons pour dire que c'est une maison pour les oiseaux, je ne dis pas ça en l'air, ha ha !
Donc il y avait un grand rassemblement de gens, encore plus grand que chez nous quand ils avaient emmené toutes les familles de la région pour dire bonjour à la voiture du Président quand elle passerait, mais finalement elle n'était pas passée.
Il y avait beaucoup de dames, des messieurs aussi, mais beaucoup de dames, avec des habits de toutes les couleurs, mais pas comme nos boubous, plus pâles, comme si le soleil était un peu caché. Alors je reviens à la question des oiseaux parce que, vous vous rendez compte, toutes ces mamans elles avaient des nids sur la tête. Je dois pas oublier de dire que ça se passait chez les blancs, mais pas en Amérique, un papa a dit c'est chez les anglais à Londres. Un jour j'irai là-bas parce que moi, tout m'intéresse.
Certains nids étaient garnis de brindilles et de plumes colorées, d'autres avaient de larges bords, sans doute pour aider les oisillons à s'entraîner au vol, certains étaient garnis de fleurs, peut-être pour les graines. L'effet était magnifique, tout le village poussait des ho et des ha. Le plus bizarre, c'est que certains nids étaient à l'envers comme si les maman-oiseaux les avaient renversés sur la tête des dames. Tout ce monde s'est assis sur des chaises et il ne s'est rien passé. Juste deux jeunes sont arrivés, un des deux était habillé en rouge, ça faisait joli, bien assorti avec le tapis.
A un moment une dame toute jaune est entrée, à la place du nid elle avait une espèce de récipient sur la tête, presque comme un chapeau. Tout le monde s'est levé et on a entendu le silence, un peu comme avec le pasteur dans notre église sauf que la dame en jaune n'a regardé personne, elle est juste allée s'asseoir sur un fauteuil plus gros que les autres. Moi je vous raconte ce que j'ai vu.
Après il ne s'est encore rien passé, je commençais à m'ennuyer mais comme tout le monde continuait à regarder je suis restée aussi.
Finalement il y a cette fille qui est arrivée et la pauvre, on a vu tout de suite que c'était pas la fête pour elle. D'abord, pas de nid mais une espèce de moustiquaire autour de la tête, bien moche, si c'est ça la dernière mode, moi je veux bien rigoler ! Le pire c'est qu'elle était habillée tout en blanc, pas la moindre couleur et en plus, elle tirait une énorme bâche qui traînait par terre derrière elle. Tout le monde la regardait, ça faisait mal au coeur, la pauvre. Elle a dû marcher comme ça jusqu'au bout du tapis rouge. Heureusement le garçon en rouge a eu pitié et il est venu se tenir à côté d'elle. Après ça n'en finissait plus, il y a eu des chefs ( avec de beaux costumes dorés ) qui sont venus lui raconter Dieu sait quoi, elle a dû s'expliquer, le garçon s'en est mêlé, le plus vieux des chefs faisait des signes sur leur tête pour conjurer le mauvais oeil, c'est sûr. Il y avait un tel silence dans cette volière, j'en étais malade.
Chez nous, si une fille fait une bêtise, on n'en fait pas une histoire pareille, on est plus compréhensifs, il me semble.
Finalement le garçon en rouge lui a mis une bague au doigt, comme quand on se marie, sauf que là c'était pour qu'elle n'oublie jamais sa punition. A mon avis il n'y a pas de risque, pour moi, si on me faisait une scène pareille, je m'en souviendrais toute ma vie. Après j'ai pensé que le garçon était son frère.
En tous cas, ils sont repartis ensemble dans une drôle de carriole tirée par des chevaux, peut-être qu'il y avait pénurie d'essence en ville, chez nous ça arrive souvent.