TOWNSHIPS
Peu après avoir décollé de l'aéroport de Johannesburg, Afrique du Sud, j'ai reçu un coup au coeur.
Je regardais par le hublot, avide d'apercevoir la ville depuis le ciel, n'ayant jamais mis les pieds en Afrique du Sud, hormis cette brève escale à l'aéroport de Johannesburg.
L'avion a pris de la hauteur très progressivement. Je pouvais voir le détail des premiers quartiers que nous survolions : des toits de tuiles roses, des arbres et de la verdure, des rues goudronnées au tracé bien net, des maisons individuelles, à deux étages et parfois le reflet turquoise d'une piscine. Les maisons n'étaient pas immenses, parfois construites en lotissement. Je me suis dit : ce sont des quartiers pour la classe moyenne, visiblement agréables.
J'en ai vu plusieurs ainsi, séparés par des périmètres pas très identifiables pour moi, centres commerciaux peut-être, ou petites zones industrielles. En tous cas, j'ai commencé à prendre la mesure de l'immensité de cette ville.
Et puis, un premier vaste périmètre est apparu, tout gris, vide à première vue, parfaitement délimité. Aucune couleur, aucun arbre, pas de rues goudronnées. C'est l'éclat du soleil sur certaines plaques de zinc qui m'a fait scruter attentivement cette surface bizarre, et j'ai fini par distinguer un écheveau très serré de bicoques grises, à ras le sol, recouvertes de toits de tôle. On aurait dit que tout était collé au sol, sans la moindre verticalité, sans espace entre les maisons non plus, un habitat de misère, même vu d'avion. Bidonville me suis-je dit. Et puis non, j'en ai survolé assez des bidonvilles, en décollant ou en atterrissant des villes du Tiers-Monde, là c'était autre chose. Une uniformité programmée, mono-colore et sans appel.
Nous en avons survolé plusieurs, plus ou moins vastes, toujours parfaitement délimités. Townships, je me suis dit, bien sûr, les townships.
La peine m'a saisie. Voilà, c'est tout.