Rosita

     

D'habitude je n'associe pas les tuyaux de poële et les perroquets, la ferblanterie étant réservée à mes frères humains et à mes soeurs aussi, sous les auspices de l'almanach Vermot.

Mais aujourd'hui, c'est un tuyau-de-poële à gratter les puces qui déboule dans cette rubrique réservée  à des personnalités de haut vol. C'est la faute à Rosita qui est un drôle d'oiseau, une créature charismatique et autoritaire, un être à qui on ne résiste pas.

Elle m'a tenue sous la coupe de son oeil marbré pendant quatre jours et je l'ai photographiée 250 fois, peut-être plus. Maintenant que je me suis délivrée - un peu - de son emprise, j'ai balancé presque toutes les photos dans les oubliettes de mon disque dur, mais je vous en ai gardé quelques unes, pour le bon bec.

Rosita, perroquet amazonien, conserve une part de mystère. Son âge tout d'abord, qui reste à ce jour inconnu, 25 ans au strict minimum, puisque ses heureux propriétaires, à savoir Béatrice et Nicolas, le nourrissent depuis tout ce temps et à grand frais de tartines de confiture, de croupions de poulet, de biscuits d'apéro et, à Pâques, de gnocchis maison. Au bénéfice d'une diète variée et fastueuse, l'oiseau arbore un plumage de roi de la forêt.  

On regrettera qu'une telle parure ne serve pas à séduire quelque partenaire emplumé amazonien. Un gâchis, pareille splendeur, dans l'environnement d'une famille de bipèdes, esthètes sans doute mais de moeurs érotiques classiques ( de ce que je puis en juger ). Mais Rosita ne souffre nullement de solitude amoureuse car son coeur est pris. Nicolas est l'objet de sa flamme exclusive et de son inlassable fidélité. Malheur à qui n'est pas Nicolas.       Malheur à qui lui tend innocemment un joli morceau de patate au beurre ou bien, prétend lui offrir un bras secourable pour la sortir de sa cage et la placer sur la branche d'un arbre du jardin ( dont elle ne songe pas une seconde à s'évader, ainsi va la puissance de l'amour ). La pharmacie de cette famille hospitalière déborde de pansements et de mercurochrome.

       Même la bouteille de champagne, dont Rosita use sans vergogne, doit lui être présentée par Nicolas. Laissez-moi vous le dire : il y a du héros quotidien chez ce Nicolas, car il assure son rôle d'idole avec un flegme qui pourrait lui valoir la citoyenneté d'honneur britannique si les gouvernements n'étaient pas si démagogiquement xénophobes, de nos jours. Mais tout de même, serais-je la seule à avoir aperçu la fulgurante lueur d'un désir de meurtre dans l'oeil de Nicolas ? Il faudra demander à Béatrice.

Il y a de cela bien des années, il fallut emmener Rosita chez le vétérinaire pour prouver qu'elle était en bonne santé, en vue d'un long voyage. Il existe des douanes spéciales pour perroquets, qui exigent de gros tampons et des signatures, chacun sait cela. Puisqu'on y était, on demanda au vétérinaire de confirmer que Rosita était bien une dame comme on le croyait depuis toujours, au vu de son comportement enflammé envers le maître de maison.

Oh surprise ! Rosita n'est pas femelle mais mâle, tout ce qu'il y a de mâle. On ne pouvait pas savoir, car chez les perroquets il n'y a que le bec qui dépasse.

Béatrice et Nicolas sont charitables, ils ne lui ont rien dit, lui épargnant ainsi une période de trouble identitaire. Rosita demeure dans la naïve pureté de sa flamme et le demeurera pour la bonne cinquantaine d'années qui lui reste à vivre.

On souhaite tous longue vie à Nicolas !

 

 

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