On s'aventure dans le 9-3

L’autre jour, j’ai fait une découverte : le Musée d’Art et d’Histoire de Saint- Denis, intéressante cité du sulfureux 9-3 ( ah bon ? )  Allez-y si vous ne le connaissez pas, ça vaut le détour et même le tour tout court. Le musée habite l’ancien couvent des carmélites de la ville de Saint-Denis, restructuré de main légère, grâce au ciel ( de ces dames ) ; il y subsiste toujours comme un petit parfum d’éternité, une bonne quiétude qui invite à s’attarder.

Le musée présente plusieurs fonds, sans liens entre eux sauf leur proximité, d’une façon ou d’une autre, avec la ville de Saint-Denis. On y trouve donc une section Paul Eluard très bien fournie, une autre qui comporte des objets variés liés en partie à l’histoire de la médecine car le lieu servit un temps d’Hôtel-Dieu, d’où aussi une magnifique herboristerie.

Bref, le clou du spectacle est ailleurs. Deux clous, plutôt, dont voici le premier : les anciennes cellules des carmélites, intactes, emplies d’un vieux parfum poussiéreux qui vous projette dans les temps disparus d’une réclusion béate ou d’un enfermement sinistre, peut-être parfois les deux en même temps, qu’est-ce que j’en sais. Et voici la pauvre cellule de Louise de France, soeur de Louis XV, grande mystique à ce qu’on dit, à qui le roi venait rendre visite parfois, sur ce plancher qui grince à chaque pas. Vous je ne sais pas, mais moi ça m’expédie pour un bon moment dans une rêverie mi-eau-de-rose, mi-héroïque, un délice.

Le second clou du spectacle vous arrache brutalement à l’ambiance suave mystico-ancien régime. Il s’agit des salles consacrées à la Commune de Paris. Ils ont le sens du contraste au Musée de Saint-Denis et ça ne sort pas de la cervelle d’un jeune muséologue branché,  non, c’est que Saint-Denis s’est trouvée bien des fois sur la route de l’Histoire et en particulier sur celle de la Commune et du Siège de Paris en 1870. C’est affreux et bouleversant. Il y a cette gravure qui montre une foule de civils fusillée, en plein jardin du Luxembourg, au pied du joli mur qui surplombe la pièce d’eau, là où les statues des reines et nobles dames apportent charme et beauté au parc. Un texte raconte ce massacre en masse, une boucherie terrible en quelques heures. Le peuple qu’on mâte d’une main de fer, sans le moindre état d’âme. On dirait bien qu'ils y croyaient dur comme fer, à la lutte des classes, les bourgeois de ce temps-là, c’est le moins que l'on puisse dire. Il faut voir ce panneau d’affichage qui fournit la liste de toutes les personnes arrêtées et qui vont être passées en jugement dans les prochains jours. Je scrute ces centaines de noms, impressionnée par une telle masse d’arrestations, et je réalise soudain que la liste ne comporte que les noms commençant par A, et encore, pas tous les A, pas jusqu’au bout des A !

Tout ceci résonne étrangement à l’heure de la révolte des peuples au Maghreb et au Moyen-Orient.

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